
National Minimum Wage Policy
Comment la Namibie a établi un salaire minimum national historique
Avec le soutien de l’OIT, la Namibie a fixé un salaire minimum national historique. Cette politique vise à lutter contre les inégalités de revenus et de genre, à protéger les travailleurs, à sauvegarder les entreprises et à promouvoir une économie plus inclusive.
26 novembre 2024
GENÈVE (OIT Info) Considérée comme le premier marché émergent d’Afrique, la Namibie attire les investissements étrangers et connaît une croissance économique. Pourtant, malgré ces progrès, la croissance économique de la Namibie ne profite pas à la majorité de ses citoyens. D’extrêmes inégalités de revenus et une main-d’œuvre profondément divisée font que plus de 40 % de la population vit dans une pauvreté multidimensionnelle.
Dans ce contexte, le gouvernement s'est tourné vers l'article 95 de la Constitution namibienne, qui appelle à une rémunération équitable, pour combler l'écart de revenus avec la mise en œuvre d'un salaire minimum national. Cependant, ce plan a soulevé des défis et des questions importants. Un salaire minimum pourrait-il augmenter les revenus et le niveau de vie sans entraîner de pertes d’emplois? Les petites entreprises parviendront-elles à obtenir des salaires plus élevés sans réduire les coûts de main-d’œuvre? Pour relever ces défis, la Namibie a fait appel à l'expertise de l'Organisation internationale du Travail (OIT).
Inégalités entre les sexes et lutte pour des salaires équitables
Les inégalités de revenus continuent de façonner la vie quotidienne de nombreux Namibiens, les travailleurs à bas salaires et informels étant souvent exclus des bénéfices de la croissance économique du pays. Les disparités entre les sexes sur le marché du travail étaient particulièrement prononcées. Les hommes travaillaient principalement dans les secteurs les mieux rémunérés comme la construction et les mines, tandis que les femmes étaient concentrées dans les secteurs moins bien rémunérés comme le travail domestique, la restauration et les soins. Dans les zones rurales, l’écart salarial entre hommes et femmes était encore plus marqué pour les femmes occupant des emplois informels, ce qui exacerbe encore ces disparités.
Bien que les femmes consistuent près de 40 % de la main-d’œuvre, elles représentent près de la moitié de ceux qui gagnent un salaire égal ou inférieur au salaire minimum sectoriel. Avec peu de protections et des avantages minimes, les femmes occupant des emplois informels ont souvent du mal à atteindre une stabilité financière. Conscient de ces inégalités, le gouvernement namibien a considéré que le salaire minimum national non seulement réduirait la pauvreté mais également augmenterait les salaires dans les secteurs traditionnellement à bas salaires et à prédominance féminine. Un salaire plancher universel offre donc la possibilité de réduire l’écart salarial entre hommes et femmes et de garantir que les femmes puissent participer au marché du travail dans des conditions plus équitables.
Le rôle de l’OIT dans l’élaboration d’une politique durable
L'OIT a aidé la Namibie à élaborer une législation du travail, à renforcer la protection sociale et à établir des normes de salaires équitables depuis ses bureaux de Harare et de Genève. L’OIT a chargé une équipe de spécialistes des salaires d'évaluer la faisabilité d'un salaire minimum national. La stratégie de l’OIT est holistique et axée non seulement sur les chiffres mais aussi sur la promotion d’une économie équitable. Elle cherchait à fixer un niveau de salaire susceptible d’élever les femmes, d’autonomiser les travailleurs ruraux et informels et de promouvoir l’équité, tout en garantissant la viabilité des entreprises.
Pour faciliter cette transition, l’OIT a recommandé un déploiement progressif dans des secteurs, comme l’agriculture et le travail domestique, qui pourraient avoir de plus grandes difficultés à respecter le salaire plancher. S’appuyant sur des exemples mondiaux, notamment la récente réforme du salaire minimum en Afrique du Sud, l’OIT a proposé des augmentations salariales progressives. Cette approche visait à éviter des chocs économiques, à donner aux entreprises le temps de s’adapter et à assurer la stabilité de la réforme, en protégeant les emplois tout en offrant les avantages escomptés d’une hausse des salaires aux plus bas revenus du pays.
Construire un consensus: le pouvoir du dialogue social
Pour garantir que la politique nationale de salaire minimum bénéficie d'un large soutien, le gouvernement namibien a convoqué la Commission des salaires en février 2021 pour étudier la faisabilité d'un salaire mínimum. Cette commission a fournit une plateforme aux employeurs, aux travailleurs et aux syndicats pour collaborer sur l'élaboration de politiques au sein d'un cadre tripartite. La Commission a organisé 13 audiences publiques à travers le pays qui ont rassemblé de nombreuses observations orales et contributions écrites. Ces réunions ont donné l'occasion à l'OIT et au gouvernement de promouvoir une approche équilibrée et de construire une vision commune du salaire minimum national qui reflète diverses perspectives, jetant ainsi les bases d'une politique ancrée dans un consensus national.
Le gouvernement a aligné le salaire minimum national sur le deuxième plan de prospérité Harambee (2021-2025), qui vise à stimuler la productivité et à générer des opportunités d'emploi. La politique nationale de salaire minimum a été positionnée non seulement comme un mécanisme garantissant des salaires équitables, mais également comme un moteur de cohésion sociale, de croissance des entreprises locales et de création d’emplois.
Un salaire minimum national pour tous les Namibiens
Début 2022, la Commission des salaires a proposé un salaire minimum de 18 dollars namibiens de l'heure. L'OIT a examiné cette recommandation, évaluant son impact potentiel sur les travailleurs et sa viabilité économique. La Namibie a adopté une approche progressive qui comprend des ajustements basés sur l'inflation pour garantir que les salaires correspondent au coût de la vie tout en restant gérables pour les entreprises.
Alors que la Namibie se prépare à la mise en œuvre de cette politique le 1er janvier 2025, le salaire minimum national marque une étape importante pour les femmes, en particulier dans des secteurs comme le travail domestique et l'agriculture. En augmentant progressivement les salaires dans les domaines à prédominance féminine, cette politique devrait contribuer à réduire l’écart salarial entre hommes et femmes et à améliorer la sécurité économique des femmes.
Alors que l’OIT reste un partenaire crucial, fournissant formation et soutien pour aider la Namibie à atteindre cet objectif de transformation, ce salaire minimum national est pour la Namibie plus qu’un changement de politique, c’est un engagement à garantir que le progrès économique profite à chaque citoyen. Cette initiative symbolise un tournant dans l’histoire de la Namibie, un moment où le travail est valorisé par un salaire équitable et où la justice économique devient un objectif réalisable plutôt qu’une aspiration lointaine. Cette politique rapproche la Namibie d’un avenir de prospérité partagée dans lequel chaque travailleur gagne un salaire équitable et où les fruits de la croissance s’étendent à tous.
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Rapport phare de l'OIT
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